10 novembre 2022 - 07:00
Les Big Tech peuvent proférer des menaces, mais le Canada n’est pas tenu de les écouter
Par: La Pensée de Bagot

Chers Canadiens, le temps est venu de garder votre sang-froid. Il n’y a pas lieu de paniquer face aux menaces de Facebook de bloquer le partage de contenu de nouvelles. Limiter le pouvoir des grandes entreprises technologiques est un défi, certes, mais la bonne nouvelle, c’est qu’une mobilisation se met en place dans le monde entier.

Publicité
Activer le son

L’Australie a connu le blocage des contenus des nouvelles par Facebook au moment où le gouvernement australien était sur le point d’introduire des lois similaires à la Loi sur les nouvelles en ligne canadienne.

Lorsque Facebook a « désamié l’Australie » en février 2021, de nombreux Australiens ont été frustrés et des politiciens de tous bords ont exprimé leur colère, mais cela n’a pas empêché le gouvernement australien de tenir face à des adversaires puissants et d’adopter le premier code de négociation des médias d’information au monde (News Media Bargaining Code) une semaine plus tard.

Tout comme le News Media Bargaining Code en Australie, la Loi sur les nouvelles en ligne vise à remédier à un déséquilibre dans les négociations entre les médias et les géants de la technologie. Facebook et Google profitent depuis des années de l’inclusion de contenus de nouvelles sur leurs plateformes. L’intervention du gouvernement est le seul mécanisme qui les obligera à s’asseoir à la table des négociations pour payer pour les nouvelles et les informations qui apportent une valeur ajoutée à leurs activités.

Le Code australien a été établi en réponse aux préoccupations des petits et grands médias concernant l’impact des grandes plateformes numériques sur les médias australiens et les marchés publicitaires locaux.

Nous sommes conscients qu’il ne s’agit pas d’un problème propre à l’Australie. À l’échelle mondiale, le pouvoir de marché de Facebook et de Google, avec leur technologie publicitaire sophistiquée et leur envergure considérable, perturbe et décime les médias locaux depuis au moins une décennie. Nous avons tous été témoins de la disparition des audiences et des emplois dans les salles de rédaction, ainsi que le rythme alarmant de la perte de revenus publicitaires.

J’ai travaillé à l’élaboration du News Media Bargaining Code australien alors que celui-ci évoluait d’une politique de concurrence à une réforme micro-économique de premier plan. Facebook a toujours soutenu que la présence de nouvelles sur sa plateforme n’avait aucune valeur économique et a affirmé que la loi « comprenait fondamentalement mal la relation entre notre plateforme et les éditeurs ». Google a même affirmé que le Code était « inapplicable ».

Malgré l’indignation des grandes entreprises technologiques, le Code s’est avéré être un succès pour les petits et grands médias australiens. Il s’avère réalisable et efficace.

Peu après l’entrée en vigueur du Code, la plupart des grandes entreprises médiatiques australiennes ont conclu des accords lucratifs avec Google et Facebook, dont la valeur totale est estimée à près de 200 millions de dollars australiens.

Le Code n’a pas bouleversé Internet, et il a montré qu’il était possible de limiter la domination des plateformes sur le marché.

Il a fallu un peu plus de temps pour que les petits éditeurs indépendants puissent s’asseoir à la table des négociations, mais nous y sommes finalement parvenus, avec Google.

En novembre 2021, la Minderoo Foundation a réuni un groupe de 24 petits éditeurs indépendants pour négocier collectivement avec Google et Facebook. Nombre d’entre eux sont des éditeurs de très petites tailles ou familiaux, opérant dans des communautés rurales, des zones urbaines périphériques, des communautés multiculturelles et LGBTQI+, et certains offrent un journalisme d’intérêt public axé sur les arts, la science et l’environnement.

Avant notre intervention, ces éditeurs d’intérêt public ne parvenaient pas à dialoguer avec les plateformes. Nos efforts de négociation collective ont mis fin à l’aveuglement volontaire. Facebook nous a rapidement écartés au motif qu’il disposait de programmes de subventions pour les petits éditeurs, mais Google est venu à la table et a négocié avec nous.

Il a fallu six mois de négociations en aller-retour, mais tous nos petits éditeurs ont obtenu des accords et des fonds de Google.

Le Code australien a été conçu pour aider à soutenir la durabilité du journalisme d’intérêt public en Australie. Les médias qui remplissent une fonction d’intérêt public et emploient des personnes se présentent sous toutes les formes et toutes les tailles. Le Code et nos efforts de négociation collective ont donné des résultats positifs pour les petites entreprises de presse en Australie.

Plus que jamais, nous avons besoin de l’information locale pour instaurer la confiance, combattre la désinformation et renforcer notre démocratie.

À vous de jouer, chers Canadiens!

Le moment est venu de faire face aux menaces des grandes entreprises technologiques et d’adopter une loi pour sauver vos médias d’information locaux.

Emma McDonald, responsable des relations gouvernementales à la Minderoo Foundation

Minderoo Foundation est une organisation philanthropique australienne. De 2019 à 2021, Emma McDonald a été conseillère politique principale auprès de l’honorable Paul Fletcher MP, l’ancien ministre australien des Communications.

image