24 avril 2024 - 07:00
Les agriculteurs sont en colère
Par: Adaée Beaulieu

Photo François Larivière | La Pensée ©

Quelque 160 agriculteurs se sont déplacés en tracteur pour aller manifester sur le site de l’Expo agricole à Saint-Hyacinthe, le 12 avril. Ils demandent que le gouvernement du Québec fasse de leur métier une priorité. Photo François Larivière | La Pensée ©

Slogans scandés à répétition et multiples discours, les agriculteurs ont été nombreux à faire entendre leur frustration envers le gouvernement du Québec et à demander d’être priorisés dans les décisions, lors de la manifestation du 12 avril sur le site de l’Expo agricole à Saint-Hyacinthe. Sur plus de 300 producteurs présents, environ 160 sont arrivés en tracteur, en prenant soin de passer devant le bureau de la députée Chantal Soucy, pour participer bruyamment à l’événement.

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Il s’agissait de la troisième manifestation organisée en Montérégie après celles de Saint-Jean-sur-Richelieu, le 5 avril, et de Vaudreuil-Dorion, le 10 avril. La participation des producteurs a dépassé les attentes de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie, organisation derrière cette prise de parole. Le président du Syndicat de l’UPA Vallée maskoutaine, André Mousseau, a mentionné que 50 tracteurs étaient attendus et que, seulement au point de rencontre du quartier Douville, il y en avait déjà 90.

Benoit Lalonde, conseiller syndical à la Direction de la vie syndicale et des communications de la Fédération, a animé avec fougue la période réservée aux interventions qui a duré plus d’une heure. « Je suis content que vous soyez réunis, agriculteurs de toutes les productions, même si vous n’avez pas les mêmes besoins, mais ça me brise le cœur que vous ayez dû quitter vos champs pour venir ici », a-t-il lancé d’entrée de jeu. En cette période de crise agricole, il a chauffé l’auditoire en lui demandant de scander à plusieurs reprises les mots « respect », « stop » et « maintenant ».

Les agriculteurs exigent la fin de ce qu’ils nomment « l’agriculture sous pression ». Elle se décline, selon eux, notamment par le sous-financement, avec moins de 1 % du récent budget du gouvernement du Québec accordé à l’agriculture, les exigences réglementaires abusives, la lourdeur administrative et le manque de réciprocité des normes fédérales imposées aux producteurs des autres pays, rendant leur concurrence déloyale. « Lors de la création de l’UPA, il y a 100 ans, des hommes et des femmes se sont tenus debout et c’est pareil aujourd’hui », a déclaré le président général de l’UPA, Martin Caron.

Les agriculteurs se sentent aussi infantilisés et de moins en moins en mesure de prendre leurs propres décisions. Par exemple, des examens sont notamment exigés pour faire la plantation. C’est d’ailleurs ce manque de pouvoir qu’a souligné Cindy Beaudry, copropriétaire de la Ferme Beau-Porc à Saint-Valérien-de-Milton et présidente du Syndicat de l’UPA Maskoutains Nord-Est. « C’en est assez que des fonctionnaires dans leur bureau décident de ce que nous devons faire. Ce n’est pas normal de se faire dire comment planter », a-t-elle déclaré sur scène.

« Une telle manifestation n’est que le commencement. S’il le faut, nous allons descendre à Québec », a lancé le président de la Fédération de l’UPA de la Montérégie, Jérémie Letellier. Les applaudissements se sont tout de suite fait entendre et les agriculteurs ont brandi leurs pancartes bien haut.

La relève particulièrement éprouvée

Avant la manifestation, les propriétaires de Brovin marché fermier à Saint- Hyacinthe, Caroline Brodeur et Vincent Deslauriers, avaient expliqué sur leurs réseaux sociaux leurs motivations à participer à cette manifestation. « Aujourd’hui, nous manifestions, car nous sommes épuisés. Épuisés de nous demander si notre petite entreprise survivra malgré notre travail sept jours sur sept. Épuisés des hausses des coûts qui nous empêchent de dormir. Épuisés de balancer entre notre petite entreprise respectueuse de nos valeurs et les grosses industries. Épuisés en tant que relève agricole à nous demander si nous allons être capables de naviguer avec ce bateau qui est loin d’être conçu pour la relève. Épuisés de devoir faire un choix crève-cœur entre encore plus travailler pour subvenir à la survie de notre entreprise ou nos enfants qui demandent du temps avec leurs parents », avaient-ils écrit.

Ils font partie des nombreux jeunes adultes qui se sont avancés à la demande de M. Lalonde lors du discours de Miguel Lord, de l’Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe. Ce dernier a déploré que les jeunes qui se tournent vers un second emploi perdent 50 % de leur subvention et que le montant de 50 000 $ qu’ils reçoivent à leur début n’ait pas augmenté depuis 10 ans malgré l’inflation.

Dominic Châtelain, des Trouvailles Gourmandes des Cantons situées dans le Canton de Roxton, est aussi monté sur scène pour dire à quel point il s’inquiétait pour son entreprise et ses deux filles qui étudient actuellement à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) à Saint-Hyacinthe. Il a rapporté que, pas plus tard que cet automne, un restaurant a arrêté d’acheter son agneau, car il en avait trouvé pour la moitié du prix provenant d’Australie.

Maxime Dion, jeune copropriétaire de la ferme maraîchère La Bourrasque à Saint-Nazaire-d’Acton, a aussi témoigné de son désarroi alors qu’il peine à rejoindre sa clientèle, car les gens mangent moins de légumes ou achètent les moins chers. « Nous ne savons plus quoi leur dire », a-t-il lancé alors que ses cartes et marges de crédit sont à pleine capacité.

Des députés solidaires

La députée caquiste de Saint-Hyacinthe, Chantal Soucy, était présente pour passer le message aux agriculteurs que le gouvernement travaille à faire bouger les choses. Elle a insisté sur le fait qu’elle provenait d’une famille agricole et pouvait comprendre leur réalité. Elle a d’ailleurs indiqué qu’elle poursuivrait une tournée des fermes de la région ce printemps et cet été.

André Albert Morin, du Parti libéral du Québec, Alejandra Zaga Mendez, de Québec solidaire, puis Pascal Bérubé et Julie Boucher, du Parti québécois, ont aussi pris la parole pour démontrer qu’ils faisaient pression sur le gouvernement caquiste. Une lettre du député bloquiste de Saint-Hyacinthe–Bagot, Simon-Pierre Savard-Tremblay, a également été lue.

Le ministre de l’Agriculture du Québec, André Lamontagne, député de la circonscription de Johnson, brillait par son absence.

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