25 Décembre 2024 - 07:00
Mémoires vivantes d’un village ouvrier
La parole précieuse de Valois aînés
Par: Véronique Lemonde

« De 1977 à 1980, je travaillais à la Peerless. On était exploités. On nous "slaquait“ tous les six mois, ce qui faisait qu’on perdait notre ancienneté et qu’on retombait perpétuellement en bas de l’échelle. J’étais tanné, alors en 1980, j’ai ouvert ma cordonnerie », peut-on lire dans le témoignage de Bernard Lussier.

Arianne Clément. Photo Mathieu Chaput

Plusieurs Valois ont découvert avec émotion des histoires fascinantes concernant leurs aînés. Photos gracieuseté

Le 15 décembre, à la Bibliothèque municipale d’Acton Vale, l’artiste et photographe Arianne Clément, lançait l’exposition Mémoires vivantes d’un village ouvrier qui est accessible aux visiteurs jusqu’au 1er février 2025.

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Résultat d’un an de recherches, de photographies et d’entretiens avec des aînés de la région, l’exposition d’Arianne Clément donne « la parole à ces gens qui ne l’ont pas souvent » à travers des histoires de vie fascinantes, autant dans l’ordinaire du quotidien qu’à travers les épreuves et les réussites d’une vie bien remplie.

C’est grâce à une bourse de médiation culturelle offerte par Culture Montérégie que l’artiste a pu réaliser ce projet, en plein dans la lignée de ses projets précédents qui furent souvent consacrés aux gens âgés. « J’étais très près d’une de mes grands-mères et j’adorais écouter ses histoires qui parlaient souvent de ses années de travail à la rubber. Cependant, elle ne voulait jamais que je la prenne en photo, ce qui est très ironique par rapport au métier que j’exerce aujourd’hui. Puis, j’ai fait un voyage en Italie après ma formation de photographe où j’ai eu la chance de m’exercer en prenant plusieurs personnes en photo. Je remarquais que les gens âgés avaient très peu de photos d’eux et cela m’a fait réfléchir. Tout ça a orienté ma carrière d’une certaine manière », souligne Mme Clément.

Le côté humain dans l’image

Grâce à une douzaine d’entretiens avec des aînés d’Acton Vale, Arianne Clément offre une exposition empreinte d’humanité avec de belles photographies en noir et blanc et des témoignages qui ont une « formule de style documentaire », le tout avec l’esprit d’un monde ouvrier aujourd’hui révolu. « J’ai axé mes rencontres sur le monde ouvrier, car cela concerne beaucoup les personnes aînées de notre ville et des municipalités aux alentours. Cela parle donc de leur vie à l’usine, des grèves, des conditions de travail de l’époque, mais aussi de sujets plus intimes comme leurs amours, leur vie de famille, leurs drames. C’est le côté humain que je m’efforce de faire ressortir dans mes photographies », explique celle qui présentait précédemment l’exposition Comment vivre 100 ans au Parc nature de la région d’Acton, à Upton, à l’été 2023.

« Pour ce projet-ci, j’ai commencé par rencontrer les aînés aux résidences La Présentation et St-Amour, ici, à Acton Vale, pour leur présenter mon œuvre et mon parcours. J’ai aussi organisé des visites guidées pour en amener à Upton voir mon autre exposition en plein air. Dans tout cela, l’idée est de parler du vieillissement, de l’âgisme, de l’intimité des personnes âgées. J’adore écouter leurs belles histoires. »

Témoignages émouvants

De ce projet, Mme Clément retient des témoignages poignants et très lucides chez plusieurs des personnes avec qui elle s’est entretenue. « Les gens en viennent à nous confier des choses très personnelles. Je me souviens particulièrement d’un curé d’ici qui m’a raconté sa vie un brin délinquante avant d’être prêtre. Puis, de Noëlla, une dame d’Acton Vale dont le mari travaillait pour Hydro-Québec et qui a enseigné à des boat people vietnamiens à Montréal. Puis, notre cher Bernard Lussier, très connu dans la ville par son métier de cordonnier. C’est aussi une force de la nature qui a survécu au décès de ses deux enfants grâce à la musique, aux amis et au karaoké. C’est incroyable, les histoires que nos aînés peuvent nous raconter et toute la belle diversité et la sagesse qui s’y trouvent. »

Mme Clément a aussi découvert, lors du lancement le 15 décembre, toute la fierté des familles émues devant les photographies de leurs aînés, devant leurs histoires et devant la belle visibilité donner à l’histoire de familles valoises. L’artiste est également très fière de pouvoir annoncer qu’elle poursuivra ce projet de photographies anthropologiques avec d’autres entretiens puisqu’elle vient d’obtenir une bourse du CALQ en décembre.

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