Au sein de l’équipe de répartiteurs, qui couvre une partie de l’Estrie et de la Montérégie, il est fréquent que cinq personnes fassent le travail de huit. La région d’Acton Vale est ainsi touchée par cette problématique. « Pour un quart de travail de soir, nous devrions être au moins six répartiteurs médicaux d’urgence pour être bien. Nous sommes plutôt trois ou quatre et cela a de grandes conséquences », souligne en entrevue Estelle Lafrance, présidente de la Fraternité des répartiteurs médicaux d’urgence du groupe Alerte Santé.
« La pénurie de main-d’œuvre augmente énormément la charge de travail des RMU en place, car nous sommes en deçà du minimum pour atteindre la même performance de travail. Malheureusement, nous ne pouvons pas arriver à octroyer la même qualité de travail, de soins et de considération aux gens qui nous téléphonent et qui vivent souvent la pire journée de leur vie. Il n’est pas rare que des RMU doivent, selon l’urgence, mettre fin plus rapidement à un appel, car nous devons prioriser toutes nos actions. Cependant, nous n’arrivons plus à tout faire en même temps, soit répondre adéquatement aux gens, prodiguer des conseils de soins comme les manœuvres de RCR et effectuer l’affectation des ambulances qui doivent se rendre sur les lieux. Des véhicules d’urgence peuvent ainsi partir pour des urgences avec des délais supplémentaires », ajoute Mme Lafrance.
Dans plusieurs cas d’appels d’urgence, les répartiteurs doivent rester en ligne avec les gens en détresse jusqu’à ce que les ambulanciers arrivent. « Ça nous permet de surveiller la situation et assister les gens en ligne pour qu’ils fassent [les manœuvres] nécessaires si jamais l’état de santé se dégrade, entre autres quand il est question d’arrêt cardiorespiratoire. Présentement, on manque tellement de personnel qu’on doit mettre des appels en attente pour en prendre d’autres », cite en exemple Estelle Lafrance.
Sur le territoire de la Montérégie, l’organisme à but non lucratif dessert notamment les communautés de Granby, Cowansville, Waterloo et Acton Vale. En ce moment, groupe Alerte Santé compte une quarantaine de répartiteurs, alors qu’elle devrait en avoir près de 20 de plus pour assurer un service adéquat à la population, souligne la présidente syndicale. De nombreux postes sont vacants. « L’objectif est d’avoir minimalement tous nos postes à temps complet et partiel [pourvus] en plus d’avoir accès à une liste de rappel. »
Une profession difficile
Estelle Lafrance explique que la profession de RMU n’offre pas nécessairement des conditions de travail attrayantes, ce qui explique en partie la pénurie de main-d’œuvre. « La rétention de personnel est très difficile et tous les OBNL comme nous qui gèrent la répartition d’urgence en région reçoivent une même enveloppe du ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous sommes aussi en compétition avec les services municipaux d’urgence qui gèrent les appels pour les pompiers et les policiers et qui offrent de bien meilleures conditions salariales.
À cause de la pénurie, le temps supplémentaire obligatoire (TSO) est monnaie courante et épuise le personnel qui doit déjà composer avec la difficile tâche de supporter les gens qui signalent le 911.
Près de 70 RMU ont quitté Alerte Santé dans la dernière année. Notons que la convention collective des répartiteurs d’urgence est échue depuis mars 2022 et que les RMU sont « en grève » depuis janvier 2023. « Nous sommes un service essentiel, donc notre droit de grève est très limité. Nous parlons plus de grève au niveau des tâches administratives qui n’affectent pas la population. » Le taux horaire pour un poste d’entrée est de 22,23 $, alors que certains services policiers offrent une rémunération de 35 $/h pour le même échelon. L’objectif des RMU d’Alerte Santé est d’obtenir un salaire minimal de 28 $/h.
Reconnaissance du public
« Nous souhaitons surtout, à ce stade, que la population prenne acte de nos demandes, de nos conditions et soit sensibiliser à tout cela, car cela peut la toucher de près lors d’appels au 911 dans la région. Nous parlons de la santé des gens ici. Nous ne sommes pas nombreux et nous demandons à la population de parler à son député, au ministère et de faire connaître notre situation et nos revendications », conclut Mme Lafrance.