Le préfet de la MRC d’Acton et maire de Roxton Falls, Jean-Marie Laplante, est catégorique. « Dans la région, nous n’avons pas vécu ça, a-t-il déclaré, mais tout ce qui peut être fait pour protéger les élus doit être fait. C’était le temps, car ça n’a pas de bon sens toutes les histoires d’intimidation et de démissions qu’on entend. »
Il a néanmoins confié qu’alors qu’il était maire il y a 10 ans, il avait reçu des menaces de mort en pleine séance du conseil municipal et il avait ensuite porté plainte à la police. Le dossier s’était même rendu en cour et un interdit de contact avait été établi. « Nous n’avons pas été élus pour vivre ça, mais pour administrer une Municipalité. Quelqu’un peut dire qu’il est en désaccord avec une décision, mais il y a une bonne façon de le faire », avait-il précédemment affirmé. « Un élu doit avoir une certaine force de caractère, mais il y a une limite à ne pas franchir. Les menaces sont inacceptables de quelconque façon. Nous faisons ce métier par conviction, mais quand ça atteint la santé et la famille, ce n’est pas normal », a conclu le préfet.
Le maire d’Acton Vale, Éric Charbonneau, a été épargné, mais il considère que le projet de loi peut être utile dans certaines municipalités. « Quand les gens communiquent bien, ça va, mais si un projet part mal, c’est certain que ça peut dégénérer », a-t-il affirmé.
« Les gens de la région sont respectueux », a-t-il soutenu en ajoutant qu’il ne craint pas une pénurie d’élus. Toutefois, il a constaté depuis la pandémie que les gens sont moins patients. Il a donné l’exemple d’une altercation récente survenue entre deux citoyens dans les rues de sa municipalité. Il a aussi remarqué que les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale ne savent plus à quelles portes frapper.
Les limites du projet de loi
La mairesse de Wickham, Luce Daneau, qui a remplacé l’ancien maire Ian Lacharité qui avait justement démissionné pour cause d’intimidation, tout comme le conseiller Michael Côté, n’est pas totalement contre le projet de loi 57, mais y détecte certaines lacunes. « C’est un projet de loi fourre-tout, a-t-elle déploré. Mais personne ne peut être contre quelque chose qui peut lui faire du bien et le protéger. »
Selon Mme Daneau, le projet de loi « met en danger la démocratie municipale » en ayant pour objectif d’éviter aux élus toute entrave pouvant passer par le musellement des citoyens. Elle déplore également que le gouvernement utilise le thème de la protection des élus pour modifier différentes lois. Elle n’a toutefois pas encore analysé tous les impacts de ces changements.
La mairesse considère que le projet de loi aurait aussi dû inclure notamment des définitions pour les termes « intimidation » et « quiconque ». À son avis, certaines personnes peuvent avoir de la difficulté à s’exprimer en public et il ne s’agit pas nécessairement de dénigrement. Les élus peuvent aussi devenir émotifs, comme elle l’a vécu avec une conseillère qui a claqué une porte, mais il ne s’agit pas pour elle d’intimidation. Par contre, le terme « quiconque » pourrait aussi s’adresser aux élus. « Le projet de loi est sujet à interprétation et cela peut générer des abus et des dérives », a-t-elle affirmé.
Toutefois, dans le cas où un élu vit réellement du dénigrement, de l’intimidation et du harcèlement, elle considère que le Plan de lutte contre l’intimidation des élus (PLI-Élus) est déjà efficace. Elle se demande maintenant s’il aura toujours son utilité.
De plus, elle craint que le nouveau pouvoir donné à une Municipalité de demander à la Cour supérieure de prononcer une injonction au bénéfice d’un élu ait des répercussions financières alors qu’elle évalue les coûts d’une telle demande à plus de 10 000 $. Elle déplore aussi que la façon de faire à l’interne pour procéder à une telle démarche ne soit pas encore définie.